Natsukiuri Posted September 16, 2023 Posted September 16, 2023 il y a 36 minutes, Naykami a dit : Salut à tous ! Je vous écris ce message pour faire renaître ce sujet qui était, je dois bien l'avouer, mon préféré de tout le forum. Pendant toute mon année de PASS mais en particulier dans les moments les plus difficiles, quand j'étais à bout et que j'avais juste envie de balancer mon ordi par la fenêtre, je revenais constamment ici pour me rappeler que tous les sacrifices et épreuves sur notre chemin en vaudraient la peine et qu'un jour, je pourrais enfin aller à l'hôpital et être légitime de prendre soin des autres. Bref vous allez vite le voir, ce très très trèèèèès long sujet regroupe des dizaines (centaines ?) de témoignage des stages de 2ème année de médecine et notamment du stage infirmer du mois d'août, que vos chers tuteurs ont donc déjà réalisés. Il consiste en des demi journées sur 2 semaines dans 2 services différents où l'on suit des infirmiers pour apprendre leur métier et le fonctionnement de l'hôpital en général. Je vais vous parler un petit peu de comment ça s'est passé pour moi dans les services où j'étais affectée. Semaine 1 : Greffe hématologique à l'Oncopole l'après-midi Nous sommes mi-août, retenant tous notre souffle pour que les affectations tombent enfin et que nous sachions où nous allons faire notre première expérience. Honnêtement je priais pour tomber sur un service un petit peu différent, et aller soyons fous pourquoi pas l'Oncopole (centre de traitements des cancers de Toulouse) qui me faisait rêver depuis des années déjà. Autant vous dire que j'ai explosé de joie quand j'ai vu que j'avais tiré le gros lot. Ni une ni deux je me déplace là-bas pour faire du repérage et aller récupérer mon badge super stylé (qu'ils reprennent à la fin du stage snif). Avec mes potes on monte au bureau des ressources humaines et ils nous expliquent que chaque matin il faudra l'utiliser pour récupérer une tenue propre et la rendre le soir, puis on nous laisse monter aux étages pour repérer en avance où sont nos services. Je vous dis pas l'angoisse quand il y a écrit en énorme ZONE RÉSERVÉE AU PERSONNEL devant les couloirs et qu'on réalise qu'en fait c'est désormais nous le personnel, et qu'on a le totalement le droit, voire le devoir d'être là x) PS : l'oncopole n'est certes pas aussi grand que les autres CHU de Toulouse, mais ne comptez pas sur le jour J pour apprendre à vous repérer, mine de rien c'est quand même un labyrinthe cet endroit... d'ailleurs n'hésitez pas à demander des informations aux gens que vous croisez dans les couloirs, on a vu un AS/IDE qui a carrément appelé nos cadres de service pour vérifier nos affectations et nous montrer le chemin. Tout le monde est adorable à l'hôpital, surtout avec les petits nouveaux comme nous <3 Bon tout ça c'était juste des petites infos complémentaires, passons au vif du sujet : le stage. On arrive genre 1 heure en avance mardi après-midi, complètement angoissées de si les infirmiers seront sympas, si ça se passera bien, si les patients vont nous accepter... mais au bout d'un moment il faut se lancer et ne plus hésiter, donc on souffle un bon coup et on y va ! Il faut savoir que le service de greffe hémato est complètement isolé des autres services, avec un vestiaire spécial et aucun échange possible avec l'extérieur. C'est parce que les patients traités ici sont pour la majorité très fragiles (en aplasie comme disent les pro, c'est à dire sans défense immunitaire), et qu'un pathogène extérieur ramené par mégarde pourrait tout simplement leur être fatal. Les règles d'hygiène théoriques ne sont pas forcément respectées dans tous les services, mais vous verrez qu'en greffe, les infirmiers font absolument tout pour être stériles et protéger les patients. Il y a par ailleurs un espèce de SAS devant la chambre de chaque patient qui empêche que l'air de l'extérieur rentre dedans et soit en contact avec eux. Les gens hospitalisés ici n'ont souvent pas le droit de sortir pendant plusieurs semaines et reçoivent très peu de visite, d'où une ambiance assez pesante pour eux. Ils sont ici car ils vont recevoir une greffe de cellules souches hématopoïétique (révisez vos cours les enfants) d'ici peu, allogénique si elle vient d'un proche ou autogénique si elle vient de leur propre corps. J'arrive au service et me présente dans la salle de pause. Une infirmière m'emmène voir une IDE expérimentée du service et la prévient que je vais la suivre toute la semaine. L'infirmière semble complètement prise au dépourvu (parce qu'en fait à part le cadre de service, on ne prévient personne qu'un petit p2 arrive et va poser 36 000 questions pendant plusieurs jours. Les pauvres infirmiers ne savent pas toujours quoi faire de nous) mais accepte tout de même et c'est parti pour une semaine avec elle. Chaque infirmière s'occupait d'un "secteur", c'est à dire un couloir avec entre 5 et 10 patients, et je m'occupe donc du secteur vert toute la semaine. Même si comme vous allez le voir, j'ai au final pas mal bougé dès qu'il y avait quelque chose d'intéressant à voir Vous voyez l'image des canetons qui suivent leur mère en file indienne dans la nature ? Qu'on soit bien clair, vous allez ressembler à ça toute la semaine. L'IDE sait tout faire, comprend tout, parle à tout le monde, et vous courrez derrière lui/elle émerveillé en vous disant "putain c'est quoi ce super-héros ?". Mardi je suis rentrée chez moi avec des courbatures après avoir sprinté absolument partout pendant 4 heures d'affilé. Le premier jour, c'est le moment où vous découvrez toutes les dynamiques à l'hôpital et comment un service fonctionne. Tandis que les AS (aide-soignant) s'occupent des besoins personnels des patients, les IDE (infirmier diplômé d'état) prépare surtout les médicaments et fait tous les gestes classiques sur les patients type prise de sang ou bandages. Les médecins, quant à eux... sont bien rarement là. Vous avez parfois des externes et internes, mais il existe aussi des services où les infirmiers font tout et où les médecins passent une fois par jour au mieux. Les patients ont un contact beaucoup plus privilégié avec les IDE et AS et on réalise bien vite que notre futur rôle à l'hôpital sera assez particulier. Nous ne sommes pas si proches des patients et nous ne passons pas souvent les voir, mais ils nous témoignent un respect tellement grand qu'on ne sait pas toujours quoi en faire. Parce qu'en fait quand vous avez la blouse blanche, les patients vous font entièrement confiance. Peu importe ce que vous dîtes ou faites, ils vous écouteront et prendront chaque mot en compte. Même en tant que deuxième année, lorsqu'on rentre dans une chambre et qu'on se présente comme "étudiant en médecine", le patient se prend d'interêt pour nous et nous laisse souvent faire des gestes simples sur eux parce qu'ils ont envie de vous faire confiance. C'est une relation particulière et on ressent un certain poids lorsqu'on se rend compte qu'on a envie d'être méritant de cette foi. Bref je rentre du premier jour assez déçue car je n'ai pas eu l'occasion de faire quoique ce soit, mais je me dis que le lendemain je vais prendre les initiatives et demander à faire plus de choses. N'oubliez jamais qu'en tant que stagiaire le service pourrait totalement se passer de vous (ça l'arrangerait, même) et fonctionner, donc c'est souvent à vous d'aller chercher les occasions d'exercer. Montrez vous curieux, posez des questions et faites preuve de bonne volonté, c'est la meilleure façon de trouver votre place. Le lendemain je demande à mon IDE si je peux préparer certains médicaments que j'ai vu plusieurs fois la veille et elle accepte ! Elle m'explique alors comment garder les objets stériles, me fait prendre des constantes et me laisse plus d'indépendance. C'est super gratifiant de poser un médicament qu'on a préparé soit même et savoir qu'on a participé au bien-être du patient. A partir de là le stage prend beaucoup plus de rythme, et pour le reste de la semaine dès qu'il se passe quelque chose d'intéressant les IDE se relaient pour venir me chercher et me montrer ce soin un peu particulier, ce protocole rare, ce nouveau patient... c'est juste fascinant de voir la diversité des champs d'action qu'on peut avoir Dans ce service les piqûres sur patients sont très rares, mais je voulais tout de même m'entraîner au moins une fois donc le dernier jour je demande à une infirmière si j'aurai l'occasion de le faire. Elle me propose alors de le faire sur elle et je réalise donc ma première prise de sang dans la salle de soin des IDE avec 5 infirmières qui me fixent en rigolant et m'encourageant (no pressure or anything). Ça aidait pas que l'infirmière (Ambre si tu passes par là, merci pour tout ) fêtait son anniversaire ce jour-là et que j'étais terrifiée de lui faire un énorme bleue ou lui massacrer le bras... mais au final tout s'est bien passé ! Ce que je peux raconter d'autre de marquant sur ce stage, c'est certains patients assez mémorables que j'ai pu voir. - Il y avait cette femme vraiment jeune qui était hospitalisée après une rechute et qui avait toujours un sourire radieux quand les IDE venaient la voir. Quand j'ai réalisé que cette femme, dans un service très oppressant et traitée pour un cancer alors qu'elle croyait précédemment être tirée d'affaire, était de meilleure humeur que moi qui était censée vivre mon plus grand rêve, ça m'a complètement secouée. - Il y avait ce patient d'un autre couloir que le mien dont les IDE parlaient car il avait déjà fait plusieurs tentatives de suicide et se sentait terriblement mal en ce moment. Il demandait à voir un psychiatre d'urgence, mais les infirmières savaient déjà que les médecins étaient trop occupés et que personne ne viendrait prendre soin de lui. Lorsque j'ai demandé des nouvelles de ce patient plusieurs jours après, mon IDE m'a regardée surprise et m'a dit qu'elle ne savait pas. Les IDE voient tellement de choses tragiques qu'au bout d'un moment elles se détachent de la situation et ne sont plus forcément touchées par ce qu'il se passe, même si ça peut choquer les nouveaux. - Il y avait cet homme qui m'avait l'air très fatigué et déprimé, que j'ai vu quasiment tous les jours de stage. Un soir une IDE lui fait remarquer qu'à cause de la chimiothérapie des mèches de cheveux sont tombées sur son lit et je vois que ça lui fait beaucoup de peine. Quand je repasse dans sa chambre le lendemain, je le reconnais à peine... il ne lui reste plus aucun cheveux ! C'était un rappel puissant de l'endroit où j'étais et de ce que vivaient les gens hospitalisés ici. - Enfin, l'homme qui m'a le plus marquée je pense, était un père de famille dont j'ai vu l'entrée en chambre. Il s'installe et met immédiatement sur ses murs énormément de photos de sa fille et sa femme. Pendant que l'IDE recueille ses informations, il me demande si j'ai fait PACES puis commence à me décrire sa fille qui a fait une PACES aussi, qui est désormais kiné, et passe plusieurs minutes à parler d'elle avec tout l'amour du monde dans sa voix. J'apprends que c'est elle la donneuse pour sa greffe. Le lendemain alors que je suis dans le SAS d'une autre chambre en train de préparer un médicament, j'entrevois sa chambre depuis la vitre et je le vois dormir sur son lit, sa main en train de prendre sur le côté. Je réalise alors que sa femme est venue lui rendre visite en tenue stérile et est sur un chaise à distance de lui, mais qu'elle lui tient la main de loin et qu'ils dorment liés comme ça. Autant vous dire que mon coeur allait exploser face à la scène la plus mignonne du monde. Il y a eu beaucoup d'autres événements marquants mais ce post va devenir beaucoup trop long donc je m'arrête ici. Même si ce stage a commencé assez lentement, j'ai fini par l'adorer et j'étais très triste de ne plus pouvoir suivre ces patients. Néanmoins, c'était aussi un service plutôt calme où je n'ai pas fait tant de choses que ça et où je devais partir en avance chaque jour en raison de l'absence d'activité, donc j'avais très hâte d'aller à mon 2ème stage pour voir et faire des choses différentes. WOOOOW , l'oncopole ! c'est mon rêve d'y travailler la bas depuis 3 ans maintenant. Tu me donnes encore plus envie de réussir haut la main cette année et en découdre avec l'examen ! De plus, avoir un contact avec ces patients n'est pas toujours évidents et peut etre très sensible suivant les situations, je te tire mon chapeau Merci beaucoup pour ton témoignage ! <3 Lulu_le_Fou, RElisse and Naykami 1 1 1 Quote
Jerhème Posted November 28, 2023 Posted November 28, 2023 Coucou les loulous ! Je constate avec regret que ce sujet est en train de mourir au vu de l’absence quasi-totale de témoignages par les P2/D1 de cette année. Je sais que quand j’étais à votre place, je me servais de ces témoignages pour me motiver à travailler (la SSH, entre autres… Mais pas seulement !) et surtout à me surpasser. Donc, pour raviver (la flamme ?) ce sujet, je vais vous raconter deux petites histoires, qui, je l’espère, vous donneront un petit coup de pouce dans le sprint final de la première moitié du parcours. Parfois, on travaille tellement qu’on finit par se sentir perdu et on ne sait plus dans quelle direction il faut aller. Dans ces situations, il m’est souvent arrivé de voir un patient, LE patient, qui m’a marqué et m’a montré la direction vers laquelle me diriger. C’est pourquoi je vais vous raconter l’histoire de quelques patients que j’ai rencontrés et qui ont, selon moi, changé ma chimie cérébrale. Je pense que devenir professionnel de santé, c’est aussi ça, changer parce qu’on veut soigner ses patients et leur retirer le plus de souffrance possible. Patient numéro 1 : M R. C’était l’année dernière, et j’étais en stage de pneumologie dans l’unité 3A (on y voit de nombreuses maladies complexes qui ont, entre autres, une atteinte pulmonaire, souvent avec fibrose pulmonaire). Ce patient venait pour un bilan de dyspnée (essoufflement) chronique avec un bilan étiologique de première intention négatif (on a cherché les causes les plus fréquentes et on ne les a pas retrouvées pour expliquer son symptôme). Ancien ambulancier, il ne comprenait pas ce qu’il lui arrivait et se sentait de plus en plus diminué ces 3 derniers mois. Après réalisation des différents examens complémentaires, la sentence est tombée : c’est une fibrose pulmonaire idiopathique (FPI), maladie dont le pronostic est assez sombre puisque la médiane de survie est de 3 ans avec une prise en charge optimale, et qu’il n’existe en réalité aucun médicament qui améliore réellement la survie ou la qualité de vie. J’ai fait son entrée, et le lendemain, après qu’on lui ait annoncé le diagnostic, je reviens le voir pour discuter avec lui avant de lui faire sa gazométrie artérielle. Il m’explique qu’il ne comprend pas, qu’il a tout fait pour être en bonne santé, qu’il a un bon lifestyle, et que finalement ça n’a servi à rien. On discute comme ça une bonne demi-heure, puis je lui explique que je dois lui faire sa gazométrie, qui pourrait indiquer par la suite un traitement de confort pour lui : l’OLD (oxygénothérapie de longue durée). Je lui pose le patch EMLA (Anesthésiant local comprenant de la prilocaïne et de la lidocaïne), et reviens une bonne demi-heure après pour lui faire le geste. Le geste terminé, je lui explique qu’il pourra partir dans l’après-midi puisqu’on a fait tous les examens et prescrit tout ce dont il avait besoin. Il me remercie pour ma gentillesse et le temps que j’ai pris pour parler avec lui, et me complimente en me disant que je mets les gens en confiance. Il continue en m’expliquant (J’avais tout noté en sortant de sa chambre ça m’avait marqué) : « Moi j’en ai vu des médecins grâce à mon métier, et je sais que vous faites beaucoup d’études pour pouvoir soigner les gens. Certains se détournent du chemin et finissent par faire ça pour de l’argent… Mais si on commence à se soucier de l’argent, on part sur de mauvaises bases : il faut faire ça par vocation. Vous, ça se voit que vous aimez la médecine, vous êtes un gars bien, vous ferez de belles choses. » Des paroles simples finalement, mais qu’il faut selon moi garder à l’esprit pour continuer à aller de l’avant : il faut faire ces études parce qu’on veut soigner les gens et les aider. Pendant ce stage de 1 mois, j’en ai vu des fibroses pulmonaires, près de 2 à 3 patients différents atteints de la même maladie chaque jour. Pourtant, lui, il m’a marqué, parce qu’il m’a bien fait comprendre que quand on veut devenir médecin, même si on le fait par curiosité (il faut être très curieux pour connaître tous les mystères du corps humain !), on le fait surtout parce qu’on aime l’Homme. Je vous conseille, lorsque vous aurez réussi haut la main vos examens, d’aller discuter avec les patients, vous verrez que ça leur fera du bien, et vous aussi. Car parler avec un patient malade, c’est une expérience unique en son genre, une expérience qui nous rend sans doute plus humain. Patient numéro 2 : M B. Ça, c’était pendant l’été. J’ai eu la chance d’aller en stage de néphrologie dans l’unité de réanimation (UTO2). Ce patient, je ne lui ai pas parlé, parce qu’il était dans le coma entre autres, mais j’ai pu voir à quel point les connaissances de l’étudiant en médecine sont insignifiantes face à la connaissance et l’expérience d’un sénior aguerri. Ce patient est arrivé pour une transplantation hépatique sur une cirrhose de mécanisme mixte (oui, il avait une ascite si vous vous posiez la question après avoir appris par cœur, je l’espère, vos cœurs de physiologie) secondaire à un alcoolisme chronique et un syndrome métabolique. Initialement quand je l’ai vu, il était encore conscient, bien que désorienté (les cirrhoses décompensées occasionnent ce qu’on appelle une encéphalopathie hépatique par accumulation de déchets toxiques non métabolisés par le foie qui n’assure plus son rôle). Toute sa peau était jaune, et ses yeux aussi (ça s’appelle un ictère, c’est secondaire à une accumulation de bilirubine dans le sang, il y a une multitude de causes pouvant expliquer cela mais ce n’est pas le débat). Fast-forward 1 semaine, il revient du bloc après sa transplantation hépatique, qui s’est passée… Tant bien que mal : près de 10 litres de sang de perdus pendant l’opération (non nous n’avons pas 10L de sang en nous mais toutes ses pertes sanguines ont été compensées par d’énormes apports sanguins transfusionnels) à cause de son foie qui ne synthétisait plus les protéines essentielles à la coagulation. A son arrivée, c’est un patient sédaté, qui est mis immédiatement sous vasopresseur pour sa tension trop basse à 5/2. Il n’est pas possible de diminuer l’administration de noradrénaline malgré le remplissage avec du sérum isotonique et les culots de globules rouges. Il continue progressivement à diminuer sa pression artérielle malgré le traitement, et son hémoglobine baisse graduellement chaque heure : 8, 7, 6, 5… Et ce, malgré les culots globulaires ! A 14h, un examen neurologique est réalisé et retrouve une anisocorie avec mydriase aréactive gauche. Bon, vous ne savez pas ce que c’est donc je vais vous expliquer ne vous inquiétez pas : l’anisocorie c’est quand le diamètre des pupilles n’est pas le même pour les deux yeux, et ça peut refléter deux choses, soit que l’œil/les voies visuelles sont malades et n’envoient plus l’information qu’il y a de la lumière au cerveau, soit que le cerveau est malade et n’est plus en capacité d’assurer un bon diamètre des pupilles. Dans ce contexte de saignement indéterminé avec mydriase aréactive (pupille dilatée sans effet de la lumière sur le diamètre pupillaire), un saignement intracrânien est évoqué par le Pr. F (Un grand homme que vous reconnaîtrez aisément en néphrologie étant donné son niveau absolument stratosphérique en médecine). On emmène en urgence le patient au scanner, avec près d’une dizaine de seringues auto-pousseuses sur son lit pour maintenir sa tension, son débit cardiaque, sa sédation, sa douleur… On met aussi sur son lit son appareil de ventilation assistée, son monitorage de débit cardiaque avec tous ses cathéters, toutes ses poches de sang/plasma/salin isotonique pour garder un peu de liquide dans ses vaisseaux qui se vident continuellement… C’est ultra impressionnant quand on le voit en vrai. Sur le scanner, on constate que le patient n’a pas de saignement intracrânien, mais l’un des radiologues (Pr. O, un ponte de la radiologie) constate qu’il y a une plaie de la veine cave inférieure, sûrement secondaire à la chirurgie du patient, qui explique le saignement inexpliqué avec déglobulisation du patient, et nécessitera de faire une nouvelle chirurgie pour améliorer son état. Il est 18h30, nous allons voir la sœur du patient qui est aussi sa personne de confiance. On lui explique que le pronostic est plus que réservé, qu’il a perdu près de 20 litres de sang (bon au final vous l’aurez compris ce n’est plus son sang à force de le transfuser/remplir) en l’espace d’une journée, qu’il a le cerveau sûrement altéré par l’encéphalopathie hépatique, et qu’il est possible qu’il meure, malgré toutes les mesures prises. La sœur du patient est dévastée, nous raconte que c’est un mec bien, son frère, qu’elle est terrifiée à l’idée de le voir partir, qu’elle n’est pas prête. On la laisse s’exprimer, et nous confier toutes ses craintes, tout en répondant à toutes les questions qu’elle pourrait se poser. Il est 19h30 quand la situation hémodynamique du patient commence enfin à s’améliorer, et qu’on peut enfin diminuer son support vasopresseur. Ce patient, il ne nous aura jamais vus, puisqu’il a survécu et est sorti dans le secteur de soins continus juste à côté. Pourtant, toute la journée, elle a été passée à s’occuper de lui et à maximiser sa survie en contrôlant toutes les variables possibles et imaginables pour qu’il puisse sortir et faire un câlin à sa sœur morte d'inquiétude. Ce soir-là, je suis sorti de l’hôpital après 20 heures. Je me souviens que j’avais des étoiles dans les yeux, après avoir vu à quel point tous ces réanimateurs et infirmiers se sont coordonnés pour assurer la survie d’un patient : M B., qui ne les verra sûrement jamais avec ses propres yeux. Ce jour-là, j’avais vu des héros qui n’avaient pas une cape, mais un pyjama du CHU. Ce jour-là, on ne s’était occupé que d’un seul patient, toute la journée, mais ce patient, il a survécu, et moi, je ne sais pas vous, j’ai trouvé ça beau. Retour sur Terre les loulous, je vous laisse retourner travailler. Essayez de garder en tête votre objectif, souvenez-vous de pourquoi vous voulez absolument être professionnel de santé et accrochez-vous à cette idée de tout votre être. Plus vous travaillez, plus vous maximisez vos chances de vivre des choses incroyables chaque jour. Travaillez tous les jours, continuez de progresser et de devenir meilleur, chaque jour, et un jour, peut-être, vous serez le héros d'un patient, d'une famille, d'un enfant, ou même d'un jeune étudiant qui aspire à soigner lui aussi des gens. Continuez à avancer malgré les intempéries dans votre vie, et je vous souhaite bon courage dans cette fin de premier semestre. Je vous dis à l'année prochaine si on a l'occasion de se croiser en stage ! PASS_muraille, Naykami, julithium and 21 others 6 1 6 7 3 1 Quote
Ancien Responsable Matière Passifacile Posted November 28, 2023 Ancien Responsable Matière Posted November 28, 2023 Bon j’avoue que @Jerhème a pas tort, du coup j’vais redonner un coup de pouce à ce sujet aussi. Puis pour faire un peu de changement j’vais vous raconter un stage qui a même pas eu lieu en France! Bon du coup c’est un stage que j’ai fait entre ma terminale la PASS (et oui j’avais pris de l’avance) en Côte d’Ivoire à Abidjan. Pour le contexte, j’avais trouvé ce stage parce que mon père travaillait bcp en Afrique et s’était fait quelques amis là bas dont un sénégalais (retenez le, c’est le personnage principal de ma période là bas). Dcp l’histoire commence en fin de terminale. A cause d’un accident qui m’était arrivé l’été d’avant, j’avais perdu la capacité de faire mon occupation habituelle de l’été, c’est à dire de la voile. Donc à ce moment là, j’essayais de trouver du sens, et donc j’ai partagé à l’ami sénégalais de mon père ma volonté de découvrir un peu l’Afrique de l’Ouest en allant chez lui tout l’été. Puis comme il était justement à Abidjan à ce moment, et qu’il voulait que j’ai une occupation là bas, il a réussi grace au meilleure bouche à oreille qui soit à me trouver un stage dans la « clinique » du coin. Bref, à ce moment là, j’me disais que j’allais juste vivre l’été de ma vie! J’arrive donc en Côte d’Ivoire et le stress monte, je réalise que c’est pour passer plus d’un mois avec un monsieur que je connais pas, dans un pays que je connais pas, avec une culture que je connais pas… Mais au final je m’attache super vite à ce monsieur, et je commence mon stage à la « clinique ». Le lendemain, c’était le choc, l’hôpital était vraiment très différent de tout ce que je connaisssais jusqu’à là, tout petit (genre 900m2 mais en sachant qu’il y avait 3 étages) , avec de l’humidité dans les chambres, dans le bloc, 5 cm sous les portes du bloc, et pendant une opération y’avait même un scolopendre sur le sol du bloc, UN SCOLOPENDRE… Honnêtement ça m’a beaucoup perturbé sur le coup. Ça m’a vraiment fait me rendre compte de la chance qu’on avait en France d’avoir ce système de santé, surtout quand on le comparait aux cliniques des quartiers pauvre d’Abidjan… (dans les cliniques plus aisées on croirait vraiment des hôpitaux tels qu’on est habitué, mais pour les quartiers populaires c’est moins le cas..). Et au final, passé l’hébètement, c’est devenu très rapidement une expérience incroyable. Ils voyaient que j’étais super motivé, donc ils m’ont très vite fait faire des injections en IM, en IV, refaire des pansements… C’était fou pour moi je vivais vraiment ma meilleure vie!! Et le stage avançant (c’était un stage de plus de 4 semaines, c’est long on y apprend pleinnnn de trucs !!), j’ai pu faire de plus en plus de trucs. Genre j’ai essayé de poser des voies veineuses (spoiler je crois que j’avais jamais réussi mdrrr, à chaque fois ça glissait dans la veine). Les opérations étant souvent des césariennes, j’ai pu des fois désinfecter le ventre des patientes avant l’incision, souvent je donnais les fils de suture aux chirurgiens (c’est tout con vraiment faut juste leur ouvrir en stérile mais je trouvais ça innnnnncroyable). À un moment y’a même eu une coupure de courant pendant l’opération, donc j’ai du éclairer les chirurgiens avec mon téléphone pendant qu’ils finissaient de recoudre la dame, j’avais l’impression de trembler de stress mais eux il étaient paisibles en train de faire leur taffe mdrrr, ça m’a impressionné. Le temps passant, je pouvais aussi de plus en plus discuter avec les chirurgiens qui intervenaient dans la clinique (en gros y’avait pas de médecin fixe à cet hôpital, ils venaient d’autres gros hôpitaux une fois tous les jours pour opérer et suivre leurs patients), qui étaient au final tous des chirurgiens militaires, et qui m’ont proposé de venir quelques jours voir des opérations à l’hôpital militaire (c’était des opérations de civils, mais surtout de la traumatologie et de l’ophtalmologie parce qu’ils y avaient plus de moyen). Et c’était innnncroyable, j’ai vu de grosses opérations de traumato (j’ai failli m’endormir pendant une d’ailleurs mdrr c’était n’importe quoi), notamment une amputation ou même un enlevage de balle (jsp si y’a des termes précis pour ça…), c’était perturbant mais c’était vraiment passionnant comme opérations. Et du coup ça m’a motivé++ à faire chir ortho plus tard (même si j’avoue que l’amputation ça demande d’avoir le ventre accroché vraiment). J’ai aussi vu des opérations d’opthalmo, mais ça c’a m’avait vraiment pas plu, genre voir le patient se faire recoudre l’oeil (genre LITTÉRALEMENT, jsp si vous imaginez la scène) ça m’avait mis en pls mdrrr. Le seul point cool que j’ai trouvé à l’opthalmo, c’était une scène où 2 chirurgiens québécois étaient venus en soutient dans cet hôpital, et genre c’était leur premier jour et ils ont pris 5 minutes à essayer de se comprendre avec les infirmiers ivoiriens, parce que les 2 galéraient de fou à comprendre l’accent de l’autre . Moi j’étais derrière à glousser comme un con en me disant qu’on faisait en effet difficilement 2 accents si opposés. Au final le stage était passé super vite, c’était des moments incroyables qui m’ont vraiment motivé pour la médecine. Et j’ai d’ailleurs encore contact avec le major (donc là bas c’est un peu l’équivalent d’un infirmier chef, c’est un entre 2 entre l’infirmer qu’on connaît et le médecin) qu’était responsable de moi à la clinique, genre on s’appelle une fois par mois et c’est vraiment trop trop cool. Au final c’était un expérience incroyable, ça a été dur à certains moments, mais j’ai vraiment appris et compris énormément de choses en allant la bas. Et dans mon cas ça a vraiment été ce qui m’a drivé pendant la PASS, je me disais que si j’avais vécu ça je pouvais pas rater, j’étais obligé de me donner à 200%!!! Et c’est passé!!! Pour conclure, c’est un message un peu différent des autres, mais vraiment c’est déjà pour qu’on incite à se rendre compte de la chance qu’on a en France de pourvoir être soigné dans de bonnes conditions et gratuitement, et surtout pour vous inciter quand vous serez plus avancés dans vos études de santé (parce que vous allez passer ok? Non vraiment continuez sur ce chemin là ça va le faire!!!) à aller voir comment ça se passe dans d’autres pays, je pense que ça peut nous apprendre plein de trucs en tant que soignants!! mireillelacoccinelle, Gaétang, Naykami and 10 others 6 4 2 1 Quote
Ancien du Bureau Marmotte Posted November 28, 2023 Ancien du Bureau Posted November 28, 2023 Coucou, promis pendant les vacances je vous ferai un lonnngggg message, désolée pour l'attente. Sinon en vrai de vrai @Passifacile, j'adore quand tu racontes, c'est encore mieux qu'un livre et en vrai c'est super intéressant ! Bon courage à tous en attendant !! ilhamoxiciIline 1 Quote
julithium Posted November 29, 2023 Posted November 29, 2023 C'est super beau de vous lire, j'espère pouvoir moi aussi un jour raconter ça aux futurs P1 Jerhème, Naykami, péri-an-toine and 1 other 1 2 1 Quote
Membre du Bureau Naykami Posted January 21 Membre du Bureau Posted January 21 Bonsoir à tous Me voilà de retour sur le merveilleux sujet des témoignages de stages de médecine, pour vous parler cette fois ci d’un autre type d’expérience que vous pourrez vivre durant votre cursus médical : les stages de maîtrise clinique. Leur but est de commencer à aborder le rôle du médecin à l’hôpital dans différents services et pratiquer un petit peu plus concrètement notre futur métier ! J’espère que ce témoignage sera suivi de ceux de mes collègues en 2e année (j’en connais certains qui n’ont toujours pas fait celui du stage infirmier AHEM), parce que ce sujet manque un peu de diversité cette année et je refuse de le laisser périr quand il est source de tellement d’espoir et d’énergie pour chaque nouvelle génération. Et même si je ne suis pas contre vous raconter chaque stage jusqu’au serment d’Hippocrate, je pense que vous méritez un peu plus de variété que ça haha Bref, prenez vous un bon thé et des biscuits parce que ce post va être long. Mon stage de maîtrise clinique s’est déroulé au service de Chirurgie Orthopédique (concernant toutes les affections de l’appareil locomoteur) au CHU de Purpan, et il était tout bonnement extraordinaire. Lundi : découverte du service Rendez-vous à l’accueil où nous sommes assez vite répartis aux différents médecins du service. J’apprends que mon chirurgien, spécialiste de la hanche et du genou en traumatologie, n’est pas présent aujourd’hui mais que son interne est actuellement dans son bureau. Sauf que lorsque je vais le rejoindre, lui non plus n’a rien de prévu avant demain. On me propose alors 2 solutions : rentrer chez moi, ou aller voir l’opération d’un collègue à la place. Après avoir fait une heure de trajet jusqu’à Purpan, je ne suis pas emballée pour simplement repartir quand il y a tellement de choses à découvrir ici. L’interne contacte alors plusieurs chirurgiens et finit par m’envoyer au bloc. Pour vous donner le contexte, dans la salle d’opération, on sépare les gens habillés en stérile qui ont le droit de toucher le patient et les instruments pendant la chirurgie, et les autres qui doivent regarder de loin et ont l’interdiction de s’approcher de la table ou du lit. Mais alors Jamy, qui retrouvons-nous toujours dans une salle d’opération ? Excellente question, voici des profils indispensables à chaque chirurgie : un anesthésiste ou infirmier anesthésiste, présent du début à la fin pour s’assurer de l’endormissement et des signes vitaux du patient. On nous montre souvent dans les séries le chirurgien qui opère tout en vérifiant le rythme cardiaque du patient, ses pertes de sang, son état etc. Dans les faits, tout cela est sous la responsabilité de l’anesthésiste et celui-ci a toujours à portée une dizaine de médicaments prêts à être injectés en cas de problème. La chose que j’ai vu l’anesthésiste faire le plus souvent cette semaine était rendormir des patients qui se réveillent pendant l’opération (sans douleur rassurez-vous, c’est beaucoup plus bénin que ce qu’on imagine) Un instrumentiste, infirmier de formation, qui s’occupe de donner les instruments de chirurgie au médecin, préparer les prothèses, le cément et tout le matériel dont on peut avoir besoin. Il est en stérile. Un infirmier qui s’occupe de faire passer le matériel qui n’est pas sur la table (on ne peut pas tout mettre dessus) à l’instrumentiste tout en conservant leur stérilité. Il sert aussi à prendre les appels pour le personnel en stérile (leurs téléphones sonnent chaque 5 minutes car on a tout le temps besoin d’eux quelque part), aller chercher de l'aide au besoin, rire aux blagues du médecin et crier sur l’étudiant qui s’apprête à rompre une règle de stérilité. Un rôle très polyvalent finalement x) Un chirurgien, on ne le présente pas. Il est en stérile Une aide à la chirurgie sous les commandes du chirurgien, qui l’épaule tout le long avec des gestes accessoires comme tenir les écarteurs, aspirer le sang, recoudre la plaie etc. C’est très souvent un étudiant qui s’en occupe, exceptionnellement un autre chirurgien si l’opération est complexe mais dans ce cas il y a beaucoup plus de monde dans la salle. Le meilleur rôle on va pas se mentir (oui oui c’est ce que j’ai fait toute la semaine), en stérile. On retrouve en général bien du monde à part ces 5 rôles, notamment des étudiants qui viennent apprendre ou des collègues là uniquement pour charrier le chirurgien (je n’ai jamais vu un endroit aussi peu sérieux à l’hôpital que le bloc ptdr) mais c’est le minimum pour mener à bien une opération. Dans mon cas, j'ai toujours opéré avec l'interne et le chirurgien, qui le coachait et prenait le relai en cas de difficulté. Pour revenir au stage, j’ai pu assister ce jour-là à 2 opérations qui consistaient en le même geste : une butée d’épaule, soit l’insertion d’un morceau d’os en plus d’un tendon dans l’articulation de l’épaule, pour s’assurer que celle-ci arrête de se déboîter chez les gens qui se luxent fréquemment. Je n’ai pas grand chose à raconter sur ce que j’ai vu, nous avons avec un co-stagiaire regardé de loin les chirurgiens travailler toute la matinée et posé plein de question à l'anesthésiste, puis sommes partis assez tôt. C’est à partir de mardi que les choses sérieuses commencent Mardi et mercredi : opérer encore et encore Rendez-vous à 8h au bloc pour y passer la journée. Là-bas, je retrouve mon interne et rencontre pour la première fois mon chirurgien qui ne me regarde même pas pendant les présentations et se contente d’un « salut » avant de filer en salle. Les apparences sont trompeuses, il s'est révélé être quelqu'un de très attentif et bienveillant quand il a vu à quel point j'avais envie d'apprendre à leurs côtés (et aussi super drôle, malheureusement je ne peux pas écrire ses répliques ici sous peine de lui causer des problèmes avec la loi jpp) Nous voyons tout d’abord une femme présente pour une pose de plaque sur le bassin après un accident sur la voie publique où elle s’est fait percuter par un véhicule. Ses ox coxaux sont brisés et c’est une lourde opération qui se prépare pour lui permettre de marcher à nouveau. Je vais vous détailler ce cas car il est vraiment fascinant : Alors que notre équipe (lisez : l’interne, les infirmiers et le chirurgien, perso je suis dans un coin de la salle en train d’essayer de les déranger le moins possible) s’occupe de nettoyer la patiente et préparer la zone, une odeur nauséabonde se dégage et cela inquiète le chirurgien. Il finit par repérer une plaie infectée sur la femme, qu’ils croyaient bégnine. Problème : cette plaie est ouverte sur la fracture. Plusieurs possibilités sont alors envisagées : La plaie est elle à l’origine de la fracture du bassin ? Impossible, son emplacement ne concorde pas avec les circonstances de l’accident. Est-ce une plaie simplement liée à la chute ? Impossible également, elle est trop grave. Le chirurgien se prend la tête longtemps et finit par annuler l’opération, car le risque d’infection est trop important pour ouvrir la femme. Il a fallu alors appeler une équipe spécialisée, chercher le dossier d’admission aux urgences de la patiente, observer la plaie en profondeur et débattre pendant près d’une heure avec 4 médecins différents pour enfin comprendre ce qui avait pu se passer. C’est le déplacement des os suite à l’accident qui a provoqué cette plaie de l’intérieur, causant finalement une infection car celle-ci n’a pas été diagnostiquée assez tôt. Les médecins sont tous attroupés autour de la femme, en train de se féliciter d’avoir élucidé ce cas qu’ils voient pour la première fois de leur carrière. Tout le reste de la matinée puis de la semaine, j’ai vu mon chirurgien courir aller raconter cette expérience inédite à tous les collègues qu’il croisait avec de grands gestes et beaucoup d’excitation. C’est à ce moment là que j’ai réalisé tout le coeur que mettaient les chirurgiens dans leur métier et la passion qui les animait. Ils ont beau être froids et efficaces à en faire peur, ils n’ont qu’une seule envie, celle d’en apprendre toujours plus pour soigner au mieux leurs patients. Bref, le chirurgien et l’interne sont un peu déçu de ne pas avoir pu me montrer cette opération mais enchaînent directement avec la prochaine, une PTH (Prothèse Totale de Hanche, pour remplacer complètement l’articulation et une partie du fémur). Alors que je me prépare mentalement à tenir les murs pendant 2 bonnes heures tandis que l’équipe s’occupe d'installer le patient, le chirurgien se tourne et déclare : « Bon toi tu viens, je vais te montrer comment t’habiller en stérile » …Grand moment de flottement où je le regarde comme ça :0 alors qu’il sort de la salle pour se laver les mains. Ni une ni deux, je m’élance à sa suite en vibrant intérieurement parce que, sérieusement ? J’ai le droit ?? Il m’explique toutes les règles à respecter et me prépare bien à toutes les éventualités, avec le fameux « la majorité des étudiants font un malaise en regardant leur première opération, si tu te sens mal surtout préviens-nous et ne tombe pas sur le patient ». On m’habille en stérile et je m’approche avec précaution du patient, émerveillée, auprès de l’interne et du chir. À ce moment là, je me dis que je vais pouvoir regarder l’opération de près et que je suis incroyablement chanceuse d’avoir eu cette opportunité ne serait-ce qu’une fois pendant le stage. Mais le chirurgien me surprend une fois de plus en tendant des instruments et m’annonçant que je vais les aider à opérer. Énorme coup de stress face à ce qui semble être la mission la plus importante de tous les temps, et je me promets alors que rien sur Terre ne me fera lâcher ces outils. Je vous écris d’ailleurs ce témoignage avec la main gauche défoncée à cause de ce mindset, pourtant si c’était à refaire je tiendrais quand même les instruments comme si ma vie en dépendait haha ça en valait juste trop le coup. C’est donc parti pour plusieurs heures d’opération où j’ai pu tenir les écarteurs, couper le fil des sutures et faire plein d’autres petites choses pour aider à son déroulement. C'est la découverte d'énormément de règles de chirurgie, telles que le fait de ne jamais passer ses mains dans le champ de vision du chirurgien, la façon d’utiliser les ciseaux (même ça, c’est tout un art) ou de séparer les couches du corps. Une chirurgie ortho, c’est un peu un mélange entre une scène de boucherie et de BTP. Le chirurgien utilise scie, marteau et scalpel indistinctement, du sang fuse de partout (j’en avais sur le front mercredi en sortant du bloc !) et il y a une odeur constante de viande braisée dans la salle. Cela permet d’apprécier d’autant plus le travail des instrumentistes, qui sont capables d’enchaîner tous ces outils sans pause ou doute en anticipant souvent les besoins des chirurgiens. Je vous passe rapidement mercredi, parce qu’il s’est passée tellement de choses que ce témoignage a vite fait de devenir un roman. La journée consistait en 3 opérations auxquelles j’ai participé en tant qu’aide à chaque fois. Je pouvais faire un peu plus durant chaque chirurgie à mesure qu’ils prenaient confiance en moi, et le chirurgien a même fini par déclarer que l’interne, lui et moi formions la meilleure des équipes . C’était juste une journée trop fun, passée à discuter avec tout le monde tout en faisant plein de manip différentes Petite anecdote de la 2ème opération : le chirurgien me demande de tenir le pied du patient et d’absolument le prévenir si quoique ce soit bouge, car cela voudra dire que le nerf sciatique de la jambe (qui innerve sa totalité, donc hyper précieux) est proche de son bistouri. Je cite « si je le sectionne par erreur, on part tous en prison ». Pas de pression donc J’ai également pu voir un geste vraiment impressionnant, à savoir le chirurgien et l’interne casser à mains nues un fémur à moitié fracturé et complètement métastasé pour ensuite mieux le réparer. On entend parfois de sacré hurlements dans une salle d’opération de traumatologie, et on pourrait croire que c’est car le patient a mal, mais c’est simplement les chirurgiens qui crient à cause des efforts physiques que demandent certaines opérations. Ou bien le mien qui gueule des insultes devant une prothèse qui ne veut pas rentrer, mais ça c’est tout autre chose haha Et après avoir passé une journée épuisante qui a fini beaucoup plus tard que prévu et fait de mon mieux pour assister l’équipe, c’est un sentiment indescriptible qui m’a envahie quand le chirurgien m’a remercié avec un grand sourire parce que « Elle était pas mal cette journée hein ? Tu nous as bien aidé aujourd’hui, merci ! » Jeudi : consultations Je vous invite à vous référer aux témoignages précédents sur la chirurgie orthopédique pour les consultations, car rien n’a changé entre temps. 3 salles, 10 minutes par patient et une efficacité et une précision presque robotique à chaque fois. Le chirurgien s’occupe des patients, l’interne des papiers, et j’ai pu surtout aider les patients à s’installer sur la table d’examen, noter certaines informations pour eux, remettre une attelle etc. Exceptionnellement, j’ai été envoyée tamponner un papier avec le cachet du médecin à l’accueil… que j’ai réussi à tamponner dans le mauvais sens. Je vous dis pas le fou rire quand l’interne et moi avons dû tendre l’ordonnance au patient avec le nom du docteur et du service à l’envers. Passer de l’autre côté du cabinet après toute une vie à être patient est spécial au début. Chaque consultation est très rapide et on sent que le malade boit les mots du chirurgien, tandis que lui en voit s’enchaîner une vingtaine par demie-journée sans pause. C’est essentiel de mesurer chaque parole prononcée car le patient se rappellera pendant longtemps de ce rendez-vous que nous oublions presque instantanément une fois qu’il est fini. Humainement parlant, cette partie du stage était fascinante. C’était aussi touchant de voir le respect dont les chirurgiens sont témoins dans ce service. Au moins la moitié des consultations se sont terminées par un « Merci Docteur » empli d’émotions ou par un compliment concernant la qualité des soins prodigués ici. Et ces éloges sont amplement mérités quand on a vu toute la semaine les médecins et infirmiers sauter des repas, faire des heures sup’ et se donner corps et âmes pour permettre à ces patients de bouger sans douleur. Vendredi : retour au bloc et visites pré/post-opératoire Arrivée un petit peu en retard car je ne trouve pas le bloc où mon chirurgien et interne opéraient, et la première chose qu’ils me disent quand je débarque pendant l’intervention est « bah alors t’étais où, on t’a attendue pour l’opération ! ». Le fait que je n’ai pas fondu en larmes devant eux en entendant ça constitue un vrai miracle. On était réellement une équipe du début à la fin J’assiste donc aux dernières opérations de la semaine parfois en spectateur et parfois en aide malgré le fait que mon corps souffre beaucoup des efforts physiques de la semaine (c’est sportif la chirurgie !!). Les instruments sont trop difficiles à tenir et je me demande sérieusement si mon corps va céder avant la fin. Mais je me suis promis que rien ne pourrait me faire lâcher ces outils et cette mission, donc je souffre dans mon coin pendant des heures en priant pour ne pas tomber mdr Fun fact : le chirurgien et l’interne me demandaient de faire des blagues à chaque fois qu’il y avait un temps de pause dans l’opération car c’est la tradition en chir ortho. Celle-ci ne fait pas exception, mais je suis tellement fatiguée que je leur rétorque « et quand est-ce que VOUS allez faire des blagues ? J’ai rien entendu de fou depuis le début de la semaine hein ». Les infirmières explosent de rire et le chirurgien est gentiment scandalisé Nous avons aussi pu faire la visite des patients que nous avions opéré toute la semaine. C’était une grande fierté de voir un patient allongé dans sa chambre, détendu et souriant, en sachant qu’on a eu un rôle dans le bon déroulement de sa chirurgie. Oui Monsieur, c'est moi qui ai posé les agrafes sur votre plaie !! Il est enfin temps de repartir, avec des souvenirs à vie et les yeux humides pour être honnête, car tout le personnel a fait beaucoup d’efforts pour m’intégrer et répondre à mes questions cette semaine. Je n’ai à ce moment qu’une seule envie, celle que le reste de l’année passe vite pour faire le 2ème stage de maîtrise clinique et continuer de découvrir les différentes facettes du métier. Conclusion Les services de chirurgie sont très différents de ce qu’on s’imagine au premier abord quand on pense au mot « médecin ». Le contact social avec les patients est plus limité tandis que le travail d’équipe entre tout le personnel est primordial, il y a beaucoup de gratitude et d’entraide entre chaque pour s’assurer de l’objectif primordial : préserver la santé du patient. Je suis entrée dans ce service convaincue que je ne l’apprécierais que pour sa nouveauté, et ressortie en me demandant si j'étais prête à faire autre chose que de la chirurgie pour le reste de ma vie. C’était la première fois depuis que j’ai intégré ce cursus que j’ai pu avoir un réel impact sur la santé de gens, comme ce sera le cas tout le reste de notre vie. Et le dernier jour, alors que je rentrais chez moi, l’une des seules choses qui me tournait en tête était que j’étais tellement, tellement reconnaissante de n’avoir rien lâché l’an dernier. Que je n’échangerais contre rien au monde l’opportunité de pratiquer dans un milieu aussi noble pour toujours. Cette période d’attente des résultats pour les PASS peut être vraiment difficile mentalement, avec beaucoup de remise en question et de peur concernant le futur. C’est tout à fait normal de ralentir et douter de son parcours. Mais je vous promets qu’un jour, vous regarderez en arrière et vous vous direz que chaque effort en valait la peine pour arriver dans un endroit où vous serez à votre place, et pour lequel vous n’aurez plus à vous battre. Peu importe comment finit cette année, tout ira bien si vous continuez de vous relever après chaque chute et que vous ne perdez jamais de vue ce qui compte sincèrement pour vous. Bon courage à tous Je cache cette partie car je ne pense pas que ça vous intéresse tous en tant que PASS/LAS, et ce sujet est bien assez long comme ça. Il y a ici tous les conseils que je donnerais à un étudiant qui commence son stage dans ce service et ne sait pas comment se préparer Révélation suivez votre chirurgien À LA TRACE. Ils sont tellement occupés toute la journée qu’il est très (trop, vraiment trop ) facile de les perdre, et bonne chance pour les joindre après cela car ils ne répondent pas toujours au téléphone. Dès qu’ils vont quelque part, demandez où précisément. Ils vous disent qu’ils vont en consultation, demandez où le rejoindre. Ils vous disent qu’ils reprennent les opérations après le repas, demandez dans quelle salle et à quelle heure. Ce n’est pas évident pour eux de se rappeler que vous les suivez avec leur emploi du temps et ils ne prendront pas l’initiative si vous ne leur forcez pas la main. Si vous les perdez, demandez indistinctement à toutes les personnes que vous croisez jusqu’à les retrouver, le personnel est habitué aux petits p2 paumés dans leur service et ne va pas vous juger Mangez beaucoup pendant votre stage. Alors évidemment ne ramenez pas de la nourriture dans le service, mais le matin et le midi, mangez plus que ce dont vous avez l’habitude. Si vous avez la chance de participer aux opérations, on ne peut pas prévoir leur déroulement et certaines prennent parfois jusqu’à 2h de plus que prévu (honnêtement ça peut aller plus haut, mais à ce moment le chirurgien vous laissera partir et appellera des renforts je pense). Prendre une barre de céréale à 6h30 ne vous tiendra pas debout jusqu’à 15h et si vous êtes sollicités pendant l’opération, c’est un coup à faiblir devant le patient ce qui pourrait avoir des conséquences dramatiques pour tout le monde. Faites moi confiance sur ce coup là, forcez vous à manger et boire énormément pour être prêt à rester debout longtemps C’est vraiment ridicule comme conseil mais je vous le donne en plus d’une storytime, retenez bien la carrure/le visage/timbre de voix de votre chirurgien. Une fois au bloc, avec le nombre de masque et protection sur eux, c’est très difficile de les distinguer et les premiers jours vous ne serez pas habitués à les voir. Je me suis retrouvée mardi à taper la discut' à un mec qui n’avait rien demandé car j’étais convaincue que c’était mon chirurgien, et je n’ai compris qu’une fois dans la salle d’opération que le pauvre garçon était étudiant et avait simplement accepté que je le suive par confusion. J’ai dû faire semblant d’avoir un truc à faire pour m’enfuir et rejoindre la bonne salle sans même dire au revoir. Cette anecdote me hante la nuit En plus de 2 conseils généraux pour tout stage : Soyez respectueux envers tout le monde sans distinction l’hôpital. Ça peut sembler évident pour certains mais je sais que ça l’est moins si vous êtes relativement timide (c’est mon cas), et pourtant c’est super important de se forcer. L’hôpital n’est pas un endroit scolaire, c’est le lieu de travail de centaines de personnes et en tant qu’étudiants, vous devenez un peu leurs collègues pendant la période de stage. Quand vous rentrez au vestiaire, quand vous passez devant l’accueil ou encore que vous croisez du personnel dans les couloirs, dites bonjour de façon claire et forte même si vous ne les connaissez pas. Tant pis si personne ne vous répond, ce sera toujours mieux perçu que de se faufiler comme une ombre. Par ailleurs, c’est logique mais lorsque quelqu’un vous rend un service, faites toujours en sorte de montrer que vous écoutez bien la personne en face et dites merci à haute voix (grosse pensée pour les infirmiers de bloc qui m’ont montré comment mettre la tenue stérile au moins 5 fois en 3 jours, je sais toujours pas comment faire jpp). Au delà de ça, vous serez souvent amenés à croiser des patients pendant le stage et même si vous faites la plante verte car votre médecin référent ne vous laisse pas faire grand chose, le patient ne voit pas cela. Il voit quelqu’un avec une blouse blanche ou une tenue de bloc et une forme de respect/confiance se forme automatiquement. Présentez vous systématiquement et gardez une posture ouverte (j’ai fait l’erreur plein de fois de croiser les bras devant les patients et c’est vraiment pas top). Même lorsque vous voyez des patients qui ne sont pas les vôtres dans l’ascenseur par exemple mais que vous êtes encore en tenue, c’est vraiment mieux si vous dites bonjour en entrant et gardez un visage ouvert. C’est difficile au début de sortir de ces habitudes mais je vous promets que ça ira mieux au fur et à mesure du temps. J’insiste notamment sur ce conseil parce que je pense que c’est l’un des éléments qui a fait la différence pour moi au stage et qui m’a permis de recevoir autant de soutien de tout le monde. Si la personne en face fait visiblement des efforts de politesse et de respect, on a naturellement plus envie de l’aider à profiter de son stage et de lui apprendre des choses. Alors armez vous de votre sourire et bonne humeur, cela sera positif pour toutes les personnes concernées ! Montrez vous intéressés par tout ce que vous découvrez. Parlez aux infirmiers, personnel, étudiants qui passent, absolument tout le monde. Si votre médecin n'est pas là, allez vers le reste du personnel, et posez toutes les questions que vous avez (ne coupez la parole de personne par contre, c'est vrmt mal vu ). Si quelqu'un prend le temps de vous expliquer quelque chose, appliquez le à la lettre et ne ratez jamais une occasion d'apprendre, vous verrez que le stage ne finit jamais à l'heure prévue si vous arrivez avec l'intention de tout découvrir. Il y a une place pour vous ici si vous vous efforcez de montrer votre bonne volonté et que vous ne restez pas simplement une présence silencieuse. C'est quelque chose qui prend du temps et des efforts à appliquer, mais ça en vaut la peine au final yrr, julithium, Lulu_le_Fou and 18 others 6 4 3 8 Quote
Ancien Responsable Matière Lulu_le_Fou Posted January 21 Ancien Responsable Matière Posted January 21 Mais @Naykami ton témoignage est JUSTE EXCEPTIONNEL, tu es tellement douée pour raconter ça c'est dingue, j'ai adoré vraiment, et tellemment d'accord avec toi pour les conseils, genre la politesse et l'envie d'apprendre la baseee quoiii Naykami 1 Quote
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